La question compliquée tant, c'est un terme flou qui ne dit pas exactement là même chose selon les époques et celui qui en parle.

On peut cependant noter qu'il a des liens, ou des confusions, avec des études universitaires issus du post-colonialisme, du militantisme, des études de genres, du marxisme, des french théories… Comme indiqué plus haut, j'ai déjà fait un long article sur le sujet de l'islamo-gauchisme qui reprend et explique beaucoup de ces concepts liés dans un précédent article.

Selon wikipedia, le terme "woke" est un adjectif qui signifie "Être alerte contre les préjugés raciaux et les discriminations".

Dans cette définition, qui, à part l'extrême droite, pourrait être contre le wokisme ?

Le terme est très vieux, et sa haine aussi.

On trouve une des premières critiques de ce terme en 1860, avec le groupe "The wide Awkes" qui était un groupe de jeunes républicains, paramilitaires, soutenant Abraham Lincoln et qui organisait beaucoup de manifestations. Bien que principalement blanche, on trouve de nombreus·e·s personnes racisées dans les manifestations des "Wide awake". Pour bien comprendre, il faut se rappeler qu'en 1860, les républicains étaient ce qu'on appellerais "de gauche" aujourd'hui. Dans la guerre de sécession aux USA, Les républicains et Abraham Lincolm faisaient partie des anti-esclavagistes. (Lincoln fera d'ailleurs ratifier le 13e amendement de la constitution des USA qui interdit l'esclavagisme.)

Dès cette époque, les réactionnaires américains, notamment ceux du sud des USA désignent les "woke" comme des ennemis de la nation, des groupes qui corrompent la jeunesse etc…

C'est la 1er leçon à retenir pour ses opposants : "Les wokes, ce sont des jeunes militants radicaux". La critique du jeunisme et du (prétendument) radicalisme est une critique récurrente faite au mouvement woke. Une critique qu'on retrouve encore aujourd'hui en France

Dans les années 20, le contexte raciste très fort: On sort de plusieurs siècles d'esclavagisme, il reste de la ségrégation raciale (qui se terminera seulement avec Civil Right Act en 1968) et on trouve régulièrement des lynchages racistes ultra-violent.

Le militant Marcus Garvey va utiliser le terme de "woke" à de nombreuses reprises dans ses discours. On va donc s’arrêter sur ce personnage historique qui porte en lui de nombreuses critiques qu'on fait au wokisme.

En 1923 il clame :

Réveillez-vous l'Éthiopie ! Réveillez-vous l'Afrique ! Travaillons vers la seule fin glorieuse d'une nation libre, rachetée et puissante. Sois une étoile brillante parmi la constellation des nations.

Orateur brillant de son époque, il lance l'association UNIA en 1918, et développe au fur et a mesure de sa vie, une ligne nationaliste, séparatiste, noir et radical.

Il va commencer sa vie militante comme syndicaliste, puis va lancer plusieurs commerces (textile, épiceries, restaurant…) à destinations des personnes noires, mais aussi une compagnie maritime prévue pour faire voyager des noirs américains en Afrique. L'idée, généreuse, de ses commerces était de rendre les noirs "indépendants économiquement", mais tout en restant patron ! Devenant relativement riche, il va se mettre à dénoncer régulièrement les syndicalistes et le mouvement socialiste ! En bon bourgeois qu'il devient, il va aussi être arrêté pour ne pas avoir payé ses impôts (et va faire de la prison pour cela).

Sa notoriété va s'arrêter en 1922 lorsqu'il ira discuter avec des membres du Ku Klux Klan sur l'idée de pays séparé pour les noirs et les blancs.

Pensant que le melting-pot n'arriverait jamais aux USA, que ce pays resterait toujours raciste, il fallait selon lui envisager sérieusement que les noirs aient leur propre pays, pays qu'ils ne trouveraient que sur le territoire Africain.

A la fin de sa vie, Marcus Garvey dénoncera les Chinois qui viennent s'installer en Jamaïque. Bref, sa ligne est nationaliste, panafricaine, séparatiste, raciste et finalement haineuse.

Parler de Garvey, c'est parler d'une réalité, celle de dérives extrémistes, nationalistes noirs et partisan de la ré-émigration. Ces lignes politiques existent depuis longtemps et n'ont absolument rien de nouvelles.

En France, on a par exemple, le cas de Kemi Seba qui est sur des lignes similaire.

Mais comme je le disais dans mon ancien article, ces mouvements sont minoritaires voir ultra-minoritaires. Selon wikipedia L'UNIA de Garvey a eu jusqu'à 20 000 membres (selon l'association elle-même) quand la NAACP, association rivale qui se sont longtemps combattu, en avait 90 000 (soit plus de 4 fois plus) et en aura beaucoup plus par la suite. Le NAACP à 400 000 adhérents en 2007 là où le UNIA n'existe quasiment plus (leur site web n'a pas été mis à jour depuis 2018).

La 2e choses à comprendre c'est que les adversaires des mouvements anti-raciste ont toujours disqualifiés les organisations et les activistes anti-raciste en les acculant à des positions extrémistes. On disqualifie tout un mouvement anti-raciste, parc qu’ils auraient eu des liens a un moment données avec des personnes extrémistes

C'est des choses qu'on va évidemment revoir plus tard.

De mes petites recherche, le terme "Woke" n'est pas cité dans ces années. On va donc aller plus rapidement.

Il y a, lors de cette période une ébullition des mouvements anti-raciste. C'est principalement des mouvements réformiste, religieux et pacifiste à la Martin Luther King . MAIS, il y a aussi en parallèle, des Malcom X et des "blacks panther" qui, eux aussi, ont des approches de nationaliste noir, séparatiste ou musulman.

Il est intéressant de noter que, en France, on trouve une vraie tendance à encenser les "blacks panther" et leur poing levé, même dans les milieux de droite ! Il faut pourtant lire leurs programmes en 10 points et 10 croyances qui sont un appel à la révolution communiste armée (tendance maoïste) et au séparatisme noir (Tribunaux par et pour les noirs, quartiers résidentiels de noirs…).

Si un groupe proposait la moitié de leur programme en France, il serait dissous dans l'heure par Darmanin, Mais on s'éloigne des USA !

Le Blacks Panthers Party, c'est entre 2000 et 5000 adhérents. C'est très peu par rapport au NCAAP.

La droite et l'extrême droite américaine vont caricaturer le mouvement anti-raciste en le résumant à cette tendance radicale. La droite américaine reprochera notamment à Martin Luther King d'avoir eu des liens avec Malcom X et les blacks Panthers, ce qui le décrédibilisera longuement… Avant d'en faire un héros !

En France aussi, on continue d'assimiler des personnalités politiques diverses à des personnes qui ne sont pas du tout sur ces lignes. (Je pense notamment à la France Insoumise…)

On fait un grand saut, et le terme de "woke" revient en 2005 avec une chanson : "*Master Teacher*" de Erykah Badu où le refrain dit "i stay woke". C'est une chanson plutôt soul et légèrement engagée. La chanson fait n'a pas un très grand succès aux USA. Mais en 2012, Erykah Badu va faire un tweet de soutien au Pussy Riot, groupe de musique punk, féministe et anti-Putin. Bref, son tweet finira par le hashtag #StayWoke et sera repris en mème : sorte d'images humoristiques qui sont modifiées et envoyées à de très nombreuses reprises sur internet.

Surtout, en 2014, le jeune Michael Brown âgé de 18 ans est assassiné par le policier Darren Wilson. S'ensuit des émeutes dans la ville de Ferguson. Un documentaire appelé "Stay Woke : The black lives matter movement" sort, C'est un documentaire à propos d'une activiste Black Live Matter qui s'engage dans ces manifestations.

C'est à ce moment que le terme "woke" explose. D'un côté, il est très repris par la communauté noire sur twitter qui l'utilise comme opposition à un "anti-racisme cool". Le mot woke sert de marqueur militant et de critique du Parti Démocrate présidé par Barack Obama qui a terriblement échoué sur la question du racisme aux USA.

D'un autre, il est utilisé par ses adversaires pour dénigrer des militants prétendument "extrémistes".

En parallèle, le scandale "#MeeToo" explose en 2007 avec l'affaire Weinstein. Il met à nu les problèmes de violence sexiste et sexuelle qu'il y a dans la société américaine. Avec cette affaire, les militants se radicalisent, tant du côté du féminisme que de la droite sexiste.

• 1 : le mot "woke" à plusieurs origines : une chanson, un tweet, un mème sur internet et un mouvement social de masse… Il est lié à l'actualité et à la culture. Il est à la fois en ligne et dans la rue.
• 2 : le mot "woke" sert de marqueur politique à une opposition à une gauche molle en plein échec politique (Celle d'Obama). En miroir, Il est utilisé par la droite (notamment l'alt-right) pour dénigrer / détruire ses adversaires.

Ce qui fait une différence notable avec la France. Le mot n'est pas utilisé par les anti-racistes français. Seules les forces de droite utilisent ce mot. On reviendra là-dessus plus tard.

À partir de 2015, le terme "woke" va s'élargir et se revendiquer d'autres causes, notamment celle du féminisme post MeeToo et de la lutte pour les droits LGBTQIA+.

Dans ces années, on a aussi une prise en compte des questions de discriminations dans la culture populaire : les jeux vidéo, le cinéma et les séries américaines vont faire une part plus grande personne racisés, aux LGBTQIA+ etc… La droite et surtout l'alt-right américaine va se sentir dépossédé de sa culture. Le cas du Gamer Gate (Campagne de harcèlement en ligne ultra-violente suite à une affaire de sexisme dans le milieu du jeu-vidéo) va être considéré comme beaucoup comme le départ de l'alt-right américaine.

En 2016/2017 : deux candidats Démocrates s'affrontent, Hillary Clinton représentante d'une gauche molle et peu impliquée sur la lutte anti-discriminations et Bernie Sanders candidat de la gauche du parti qui s'est fortement engagé dans les manifestations Black Live Matter.

En 2017, Ce sera Donald Trump qui deviendra président des USA. Dans une campagne ou les démocrates seront régulièrement taxés de wokiste.

C'est à partir de ce moment-là que le terme de woke va vraiment se populariser et passer l'océan pour arriver en France…

Commençons par notre sujet, le mot "woke". Il est écrit en anglais et sans traduction dans bon nombre de journaux télévision et presse française. Si l'histoire entre les USA et la France est si différente, pourquoi reprendre son terme tel quel et sans traduction ?

Il a même été utilisé, sans traduction, par nos anciens ministres de l'Éducation national, Blanquer et Vidal qui fustigeait cette prétendue idéologie venue des états-unis…

C'est un point à noter, contrairement aux états-unis, le terme "woke", est entré en en France, par ses opposants. La droite de gouvernement et l'extrême droite copiant l'alt-right américaine.

On trouvera en France une variante au mot "woke" : l' "islamo-gauchisme". Ce terme est, dans sa composition, calqué sur celui de l’Allemagne hitlérienne : "judéo-bolchévique". (!) Utilisé aussi jusque dans l'assemblé-national par notre gouvernement macroniste, il reprend des concepts de nazi !

Dans l'imaginaire français, le terme d'islamo-gauchisme est plutôt rattaché au milieu universitaire et intellectuel. Il comporte par ailleurs une haine anti-musulman. Le mot woke, lui, est en général réservé au milieu militant, notamment féministe

Dans la bouche de ses opposants ont retrouve la même haine que ce soit pour les islamo-gauchiste et les woke. Ils passent d’ailleurs d'un terme à l'autre sans s'en rendre compte dans les conversations.

Je ne vais pas m'étendre sur les aspects universitaires du terme "islamo-gauchiste" parce que j'en ai beaucoup parlé dans mon ancien article. Mais il est important de rappeler que le CNRS a rappelé au gouvernement que ce terme ne recouvrait aucune réalité scientifique.

Malgré cela, quand Madame Vidal, accompagné de Gérald Darmanin, vont lancer une grande enquête sur l'islamo-gauchisme dans l'université qui aurait gangrené l'université : La communication est forte, on fait la une du JDD, ça tourne en boucle sur BFM. 2 ans après, le journal Le monde sort le loup du bois : Il n'y a jamais eu aucune enquête de faites dans les universités sur ce sujet.

On pourrait en rire, ce coup de communication politique a eu des conséquences très graves : Anne-Laure Amilhat Szary, directrice du laboratoire Pacte (Science Sociale), rattaché à l’IEP de Grenoble qui aurait défendu ses élèves face au professeur Klaus Kinzle a subi énormément de cyberharcèlement et de menaces de morts. La journaliste Caroline Fourest et d'autres éditorialistes avaient lâché le nom de cet universitaire dans la presse. Il faut comprendre que, en pleine période de l'assassinat de Samuel Paty, associer le milieu terroriste (islamiste) au milieu militant (gauchiste) a des répercussions très grave pour la vie de nombreuses personnes. La haine contre des terroristes coupables de meurtre peut se comprendre. Mais quand cette haine est versée contre des professeurs d'université qui n'ont commis de crime que de transmettre des savoirs, c'est autrement plus problématique !

Au tribunal Anne-Laure Amilhat Szary va se retrouver face à ses cyber-harceleurs. Un article de Médiapart raconte l'étonnement : la plupart de ces cyber-harceleurs. sont des personnes âgées.

En face d'elle se trouve une dizaine de sexagénaires ! Des vieux ! Les commentaires de haines sont explicites

Extrait :

Dominique B., 74 ans : « Il faut lui trancher la gorge » Wilfrid B, 65 ans : « A l’échafaud (…) Regardez la gueule de la bavure. A expédier au pays du Maghreb » Annick L., 73 ans : « Horrible nana!! Le caillou rasé ! Pauvre tâche. Un jour viendra où tu devras te repentir ! »

Et c'est sur le point de l'âge des anti-wokistes que je voudrais m'attarder.

Si j'avais plus de temps et que j'avais des comptes chez tous les quotidiens on voulait être sérieux, il faudrait faire une études dans les journaux

Autour de moi, personne n'utilise le terme de woke ou d'islamo-gauchiste.

J'ai 36 ans et j'ai découvert l'expression du mot woke en regardant sur les devantures des marchands de journaux qui fustigeaient le fameux "périle woke".

Valeurs Actuelles, l'Obs, Marianne, Figaro Magasine ou Le Point sont 4 magazines d'actualité, des hebdos, plutôt réactionnaires et qui ont tous attaqué, parfois en une, le phénomène woke.

Tous ces chiffres sont issus de l'ACPM (Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias) (Semestre 1 de l'année 2023)

La conclusion est assez univoque: La presse des hebdos papier qui tape sur les wokes représente majoritairement une classe d'âge (les plus de 50 ans) et une seule et même profession : les retraités.

Ces chiffres ont très peu d’intérêt :

D'abord parce que les règles internes des moteurs de recherche diffèrent d'un site à l'autre. La véracité de ces chiffres est faible.

Ensuite parce que la presse quotidienne peut commenter en négatif ou en positif les déclarations de l'un ou l'autre.

Enfin, un journal comme Le Monde publie à la fois des tribunes de Elisabeth Levy à charge contre le wokisme et aussi des tribunes de Dominique Sopo, président de SOS-Racisme, qui met en garde l'instrumentalisation de ce thème par l’extrême droite.

_ Les chiffres de ces occurrences viennent des sites internets des journaux.

Ils ont été bornés entre le 1er janvier 2014 et le 9 mai 2023. Les chiffres de l'age viennent de l'ACPM pour le 1er semestre de l'année 2023.

Malgré tout les défauts et la faiblesse scientifique de cet rapide étude, on peut tout de même confirmer ce qu'on savait déjà :

Les journaux de droite semblent parler davantage de wokisme et d'islamo-gauchisme que les journaux de gauche.

Il est dommage de ne pas avoir les chiffres de l'Humanité et de Médiapart. On aurait pu vérifier s’il y a une corrélation entre l'âge des lecteurs et l’intérêt pour ces sujets.

C'est simple, toute la droite, de Zemmour à Macron se positionnent en opposition au "wokisme".

Marine Lepen et ses députés ont récemment créé une association parlementaire anti-wokiste. Au passage, cette lutte contre le "wokisme", leur permet de ne pas voter les rapports contre les discriminations.

L'UNI, le mouvement étudiant proche de LR à créer le très complet site internet " observatoirduwokisme.fr ", entre 2 images de villes en flamme, on y trouve un dictionnaire du wokisme et des attaques contre le planning familiale Toujours pour LR, nous ne comptons plus les sorties d'Eric Ciotti voyant des woke partout du maire de Rouen au ministre Pap Ndiye.

Nous avons déjà parlé plus haut des rapports entre la Macronie et le wokisme. Inutile donc de s’entendre davantage sur le sujet.

Pour la droite, l'utilisation du terme woke permet plusieurs choses :

• Créer un ennemi commun au contour floue
• Taper sur toute la gauche
• Taper sur les nouveaux mouvements anti-raciste et féministe
• Rallier toutes les droites

Évidement, ces attaques anti-woke ne sont fondés sur aucune définition précise, aucune statistique, aucune nuance, aucune analyse universitaire ni aucun problème légal.

Pour illustrer ce niveau de bêtise et d'amalgame, je voudrais citer Bruno Retailleau qui répond à une question sur l'avenir de la droite républicaine :

Il faut arrêter de s’excuser d’être de droite ! Il y a un an et demi, je dénonçais déjà les délires des écolo-gauchistes qui invitent le wokisme jusque dans nos assiettes. Je n’ai rien contre les mangeurs de tofu, mais je veux être libre de faire mon barbecue !

Retailleau utilise le wokisme comme épouvantail pour ne pas répondre à la question qui lui est posé sur l'avenir de la droite républicaine. Plus fort, il invente un lien entre wokisme et végétarisme !

Volontairement ou non, les attaques contre le wokisme sont constamment mélangé a d'autres problématiques qui n'ont rien à voir tel que le communautarisme, le séparatisme, l'islamisme ou la laïcité etc… Les attaques contre l'ennemie woke permettent de ne pas penser, de ne pas répondre aux questions.

Plutôt que de créer du débat et de la réflexion, la droite fabrique un ennemi commun imaginaire sur qui taper La haine anti-woke permet de rassembler derrière-sois.